Organisation des funérailles au Bénin Obligation coutumière ou démonstration du statut social?
Au Bénin, les funérailles deviennent une tradition suite
au décès d’un parent ou d’un proche. Malgré la cherté de la vie, l’on sacrifie toujours
à cette tradition avec d’importants moyens, au point où aujourd’hui dans le
pays, l’on se demande s’il faut assimiler cette pratique à une obligation
coutumière ou à une démonstration de son statut social.
Assurer les funérailles d’un parent coûte aujourd’hui
de plus en plus cher au Bénin. A l’annonce d’un décès, les membres de la
famille se trouvent obligés de mobiliser de moyens financiers importants pour
assurer les funérailles d’un défunt. Que cela soit en ville ou dans les
villages, des funérailles se font à grands frais et même plus dans les familles
très attachées à la tradition. Du Nord au Sud et de l’Est à l’Ouest, le Bénin
semble perdre progressivement le sens des proportions en la matière. Dès lors
qu’il s’agit d’enterrer un être décédé, tout se voit. Ce qui frappe le plus, c’est
cette solidarité presque spontanée qui s’exprime non en faveur des malades
souvent abandonnés à leur sort dans les hôpitaux et dans les mouroirs, mais en
faveur de la personne décédée. Brusquement, en cas de décès, cette solidarité
se réveille et les dépenses les plus folles sont ordonnées. Le double,
voire le triple de la somme d’argent que l’on n’a pas pu débourser pour
maintenir son parent en vie, s’injecte dans l’enterrement sans aucune réticence
ou sous des soi-disant contraintes que l’on impute à la tradition. Une famille
incapable de réunir 10.000F Cfa pour une ordonnance médicale pouvant sauver le
malade et prolonger sa vie, se plie littéralement en quatre pour rassembler des
millions que coûteront les funérailles d’autant plus dispendieuses que la
personne disparue est d’un rang social élevé. Cette ostentation se note dans le
nombre de jours que le corps passe à la morgue. On estime en effet que plus un
corps passe de jours à la morgue, plus la famille du défunt jouit d’une
considération sociale car il faut être capable de payer les frais de la morgue
à raison parfois de 5.000F Cfa par jour. Le sieur Damase Akpo qui est récemment
allé faire les funérailles de sa mère à Atogbo dans la commune de Glazoué a
vécu cette expérience. ``Notre culture tend à être dénaturée avec l’arrivée de
la morgue. Il est vrai qu’elle nous aide d’une certaine manière, mais elle
n’est pas indispensable’’, a-t-il indiqué. De même, certaines personnes âgées
qui sentent la fin de leurs jours préviennent leurs progénitures contre l’idée
de faire séjourner leur corps à la morgue après leur décès. C’est le cas du
vieux Boniface Y, cultivateur à Galata dans la commune de Bantè. ``Moi, je le
répète à mes enfants : Que celui d’entre eux qui est capable de payer le
séjour de mon corps à la morgue, me remette cet argent afin que je l’utilise de
mon vivant pour mes besoins’’, a-t-il dit.
La coutume funéraire, source d’escroquerie…
Le décès d’un parent de nos jours, constitue pour
certains une aubaine pour se faire de l’argent. Dans certaines régions du Bénin
comme Abomey, lorsque dans un couple, la femme perd un de ses parents, l’homme
est appelé à doter à nouveau sa
conjointe outre les nourritures et autres à fournir. En témoigne le thème de
l’enterrement dans l’intimité familiale où les chefs de famille, font carrément
la liste de leurs propres besoins en se réfugiant derrière coutume. A Atogbo,
celui qui a perdu un parent, doit clore la cérémonie funéraire par l’immolation
d’un bœuf dont il va distribuer la viande à tout le village. A Ouidah et
surtout à Porto-Novo, l’on ne cumule jamais le jour de l’enterrement avec celui
de la réception. Cette dernière est fixée à deux ou trois jours après. Et cette
étape constitue une opportunité pour certains pour assouvir leur faim. Cet état
de choses n’est pas du goût de Arsène F, jeune étudiant à l’Institut national pour
la jeunesse, l’éducation physique et sport (Injeps) de Porto-Novo. Selon lui,
``l’activité principale de certaines personnes est de s’informer réceptions
funèbres pour s’y rendre’’. Loin d’être uniquement une occasion d’escroquerie les
funérailles sont exploitées par des individus pour nuire à leurs prochains à
travers des actes tels que l’empoisonnement, le vol, la prostitution.
Démonstration du statut social…
Les funérailles s’organisent de nos jours à grand
frais. L’on ne fait plus les funérailles de son parent selon ses moyens. ``Aujourd’hui,
c’est une concurrence. L’autre a fait, je dois en faire autant est désormais la
règle du jeu’’, a constaté Damase Akpo. Il y a des familles qui ne programment les
funérailles des leurs qu’après un, deux, voire plusieurs mois après l’annonce
du décès. L’on est capable de s’endetter pour organiser des funérailles
grandioses. Ces dépenses que l’on se
crée, s’aggravent avec de biens curieux rites des funérailles. Il faut en
effet, électrifier le lieu de la veillée grâce à l’extension d’une ligne
électrique si ce n’est pas avec la location, voire l’achat d’un groupe
électrogène, louer de véhicules de transport car plus le cortège est fourni,
plus le défunt est jugé de personne de grande renommée, acheter des uniformes pour
les membres de la famille en deuil, confectionner des maillots à l’effigie du
défunt, solliciter les groupes de musique, la chorale sans oublier bien entendu.
Naturellement, le cercueil et tous les accessoires mortuaires sont de la même
classe que le défunt ou ses proches. Il faut à chaque décès montrer l’apparence
d’une famille aisée, même si l’on sait que l’on vit le contraire. ``Il faut
organiser les funérailles sans aller au-delà de ses moyens. On n’est pas obligé
de faire forcement comme les autres’’, a conseillé Damase A. En tout cas, la
coutume béninoise et africaine veut que les morts soient enterrés à travers
certaines cérémonies. Et se prévaloir de cela ou de la concurrence pour se
créer des dépenses inutiles, amène à s’appauvrir davantage. Pour l’heure, la
coutume qui constitue la dernière arme d’un pays doit être préservée et l’envergure
des funérailles doit dépendre des moyens de chacun.
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