Bénin : La diaspora exige le déconfinement de la démocratie



Pas d'élection présidentielle projetée pour le mois d'avril sans un retour à la démocratie. Les béninois de la diaspora sont fermes et l'ont fait savoir à travers une tribune. 



TRIBUNE.

Le mercredi 1er mai 2019, l’armée de Patrice Talon a tiré sur une veuve, nourrice d’un bébé de neuf mois. Mère de sept enfants dont le plus âgé a 17 ans, elle a eu le malheur de se trouver dans la rue du domicile de Thomas Boni Yayi, ancien président du Bénin (2006-2016). La victime, Prudence Vioutou Amoussou, allait chercher sa fille. Elle passait juste son chemin. Elle n’était pas armée et ne représentait aucun danger pour personne. Elle a été criblée de sept balles dans le dos. La foule horrifiée la vit s’écrouler dans une mare de sang. Sa fille en sueurs et en larmes prend conscience du drame qui se produit sous ses yeux.



Terreur, répression, sang, sueur, larmes et désespoir. Ce sont les règles qui régissent les relations que le président béninois entretient avec son peuple, qui l’a élu le 20 mars 2016. Cinq ans après, le constat est sans équivoque. Il tue à balles réelles, emprisonne et fait exiler de force les voix critiques pour se maintenir au pouvoir. Il a empoisonné la démocratie et tient le pays d’une main de fer, réprimant systématiquement ses opposants.


Tel un cancer, sa gouvernance totalitaire et mafieuse se répand par métastase. Elle prive les populations du minimum vital et le pays des fondamentaux d’une République. De Cotonou aux derniers villages, du nord au sud, de l’est à l’ouest, le Bénin exhale depuis cinq ans, la faim, la détresse, la fin de la sérénité. Il n’y a plus rien, sauf Patrice Talon, son clan, ses entreprises, ses tribunaux avec ses procureurs aux ordres, ses avocats, ses prisons, sa Cour constitutionnelle, sa Cena (Commission électorale nationale autonome), sa Cour suprême, son ministre de l’Intérieur, ses hommes armés, son parlement privé.



*Violation massive des droits humains*


*Depuis le 6 avril 2016, date de la prise de pouvoir de Patrice Talon, le Bénin vit sous le joug de l’autoritarisme et de la mal gouvernance : assassinats ciblés, tentatives d’assassinats, agressions verbales et physiques contre d’anciens Chefs d’Etat, exécutions sommaires, enlèvements, disparitions, séquestrations d’ancien Chef d’Etat, massacres de populations civiles, recours à la force excessive et meurtrière contre des manifestants à mains nues, emprisonnements arbitraires d’opposants, de web activistes et de journalistes d’investigation, tortures et mauvais traitements, passages à tabac, actes d’intimidation à l’encontre des voix critiques, confiscation des corps des martyrs de la démocratie, verrouillage systématique de l’espace civique, contrainte d’opposants politiques à l’exil, confiscation de tous les secteurs vitaux de l’économie nationale (port, aéroport, coton…), mise sous tutelle des institutions de la République, anéantissement des contre-pouvoirs, transformation du pays en une entreprise privée, conflits d’intérêts au sommet de l’Etat, népotisme, opacité dans la gouvernance, mise sous convocations judiciaires d’opposants à l’approche de chaque parodie électorale, etc.*


Prudence Vioutou Amoussou, Ambroise Biaou, Fidèle Combetti, Théophile Dieudonné Djaho, Bio Zakari Adam, Kandissounon Abdel Djayane, Mama Assouma et autres, assassinés, ne verront plus jamais leurs familles.


Laurent Mètongnon, Ferdinand Combetti, Hamiss Dramane, Edouard Kohou, Serge Christian Yèdédji, Razack Amadou, Jean Kpoton, Imorou Danialou, Adam Sounon Kondé, Loth Houénou, Bio Dramane Tidjani et Gilles Mawuna Djakpa sont toujours maintenus en prison pour leurs opinions.


Sébastien Germain Ajavon, Komi Koutché, Valentin Djènontin-Agossou, Léonce Houngbadji, Fatouma Amadou Djibril, Léhady Soglo, Joël Ajavon, Abdou Raman Soumanou, Hugues Sossoukpè, Renaud Bossou, Zakari Yaho Atta Adam Aboubakari, "Frère Hounvi" et bien d’autres sont forcés à l’exil.


*Confiscation du pouvoir*


Depuis le renouveau démocratique, le Bénin a su organiser une vie politique paisible, avec des votes réguliers et des alternances sans violence. La Constitution du 11 décembre 1990 garantit le multipartisme et la liberté d’expression. Les partis d’opposition ont été respectés et ils ont toujours pu se présenter librement aux différentes élections, offrant ainsi au peuple de véritables alternatives politiques.


Les présidents Nicéphore Dieudonné Soglo (1991-1996), Mathieu Kérékou (1996-2006) puis Thomas Boni Yayi (2006-2016) ont respecté cette tradition démocratique : les élections législatives, municipales, communales, locales et présidentielles ont été régulièrement organisées sans entrave. C’est ainsi que Patrice Talon a été élu, alors que son prédécesseur soutenait un autre candidat, l’ancien Premier Ministre Lionel Zinsou.


*Elu pour cinq ans, le mandat de Patrice Talon prendra fin le 5 avril 2021 à minuit. Mais il tente un passage en force pour confisquer le pouvoir, à l’aide de lois scélérates et liberticides votées par des députés qu’il a nommés dans le but d’exclure. Il organise minutieusement en ce moment une guerre contre notre peuple. « Un exercice pratique de validation du projet de plan de défense de l’Assemblée nationale » s’est effectué ce jeudi 25 février 2021, avec « usage d’arme avec des cartouches d’exercice et des gaz lacrymogènes », selon un communiqué du groupe de sécurité de son assemblée privée.*


L’élection présidentielle est fixée au 11 avril 2021 en violation de la Constitution du 11 décembre 1990 et des ordonnances de la Cour Africaine des Droits de l’Homme et des Peuples (CADHP), demandant fermement la restauration de la démocratie et de l’Etat de droit avant toute élection. En 2019 et 2020, l’opposition avait été déjà empêchée par le pouvoir de participer aux élections législatives et municipales.


Par Décision EP 21-017 du 22 février 2021, la Cour constitutionnelle, présidée par l’avocat personnel du Chef de l’Etat, Me Joseph Djogbénou, a autorisé trois duos de candidats pour participer à la mascarade électorale du 11 avril 2021 : Patrice Talon-Mariam Chabi Talata, Alassane Soumanou - Paul Hounkpè et Corentin Kohoué - Iréné Agossa. Tous les observateurs avertis de la scène politique nationale savent très bien que les deux duos en face de Patrice Talon sont sélectionnés et fabriqués par lui-même pour tromper la vigilance de l’opinion.


Pour la première fois dans notre histoire, depuis la Conférence nationale souveraine de 1990, le Bénin tombera dans un vide juridique sans précédent, avec la prorogation frauduleuse du mandat présidentiel de plusieurs semaines. Le monde ne doit pas fermer les yeux sur ce braquage politique. Pendant qu’une grave atteinte est portée à la démocratie, à l’Etat de droit et aux droits humains dans notre pays, le monde ne doit pas regarder ailleurs, comme si de rien n’était. Il ne doit pas y avoir de coopération avec ce régime tyrannique, qui veut plonger le Bénin dans le chaos total. La communauté internationale ne doit pas tourner le dos à la population béninoise et à ses aspirations démocratiques. Si ce coup d’Etat constitutionnel et institutionnel venait à être consommé, il fera tâche d’huile dans une sous-région déjà menacée par des attaques terroristes et conflits divers.


*Déconfiner la démocratie*


Epris de paix, de justice et de liberté, *nous, Béninoises et Béninois patriotes de la diaspora,* appelons au rétablissement rapide de la démocratie et de l’Etat de droit et au respect des droits humains avant toute élection au Bénin. Pour y arriver, nous proposons 7 solutions, justes et durables :


*1-      l’annulation du processus électoral frauduleux en cours ;*


*2-      le respect des décisions de la CADHP. Il s’agit de l’abrogation de toutes les lois qui menacent les droits fondamentaux, sources d'insécurité judiciaire et d'injustice pour les citoyens ;*


*3-      une enquête indépendante sur les crimes et violations graves des droits humains commis par le pouvoir de Patrice Talon ;*


*4-      la libération immédiate et sans condition de tous les prisonniers politiques ;*


*5-      le retour serein de tous les exilés politiques ;*


*6-      la fin des persécutions, enlèvements, arrestations, emprisonnements et agressions physiques des opposants, activistes du web et policiers et militaires qui ont refusé d’exécuter des ordres illégaux durant les événements de mai et juin 2019 ;*


*7-      la tenue des Assises Nationales pour tracer un nouveau chemin démocratique pour le Bénin.* Elles déboucheront sur l’organisation d’un scrutin présidentiel inclusif, crédible, transparent, digne de confiance, libre, respectant toutes les normes internationales requises. Et ce, après l’audit indépendant du fichier électoral national et la mise en place d’institutions impartiales en charge de l’organisation, du contrôle et de la validation des élections.


Nous encourageons et soutenons toutes les initiatives politiques et citoyennes entrant dans le cadre du rétablissement des principes démocratiques au Bénin et invitons tous les patriotes à ne pas se laisser divertir par les manœuvres politiciennes en cours et à utiliser tous les moyens légitimes définis par la Constitution du 11 décembre 1990 pour empêcher la confiscation du pouvoir.


Nous appelons les Forces Vives de la Nation à l’unité, à la cohésion, à la solidarité et à la résistance. Que de partout, chaque citoyen qui souffre et se plaint de la gouvernance autocratique, de pillage, d’apatridie et de famine du pouvoir de Talon, refuse d’accepter l’inacceptable qu’il lui fait subir depuis cinq ans et s’engage dans la défense ferme de la Patrie.


Le Bénin mérite mieux.


 

*Paris, le 25 Février 2021*


 

*Signataires :*



1-       Justin Azankpo (France)


2-       Doris Bossoudaho (France)


3-       Alexandre Houssou (France)


4-       Vital Panou (Etats-Unis)


5-       "Frère Hounvi" (Etats-Unis)


6-       Bénédite G. Babadoudou (Maora Alédjo : Belgique)


7-       Juste-Flavius Ewinsou (Canada)


8-       Souleymane Arouna (Etats-Unis)


9-       Valentin Biaou (Etats-Unis)


10-   Nicolas Solange (France)


11-   Rose-Françoise Zinsou (France)


12-   Laure de Souza (France)


13-   Christian Hodonou (France)


14-   Renaud Bossou (France)


15-   Moulicatou Akadiri (France)


16-   Zakari Yaho Atta Adam Aboubakari (France)


17-   Yacouba Olaniyi Badarou (Nigéria)


18-   Ahamed Touré (Etats-Unis)


19-   Romaric Ahouantchédé (France)


20-   Fredy Dèdéhou (Etats-Unis)


21-   Ghislain S. da Silvéira (France)


22-   Gilbert Makou (Sénégal)


23-   Prince Léonard Schopenhauer (France)


24-   Alphonse Kougblénou (France)


25-   Steven Lemon (Etats-Unis)


26-   Honoré Kounou (France)


27-   Fatouma Amadou Djibril (France)


28-   Rufin Zomahoun (Japon)


29-   Léonce Houngbadji (France)


30-   Sosthène Adéossi (Canada)



31- Organisation internationale Volontaires pour la Démocratie et les Droits Humains (France)

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