« Il était un vrai père responsable...», hommage et oraison funèbre de Juste Flavius Ewinsou à son géniteur enterré hier
Le père de l'opposant béninois en exil au Canada, Juste Flavius Ewinsou a été conduit ce samedi 8 juillet 2023 a sa dernière demeure dans son village natal Zaffé, commune de Glazoué. Loin des lieux, Juste Flavius, le coeur meurtri a rendu hommage à son père dans une oraison funèbre aussi triste qu'édifiant. Son géniteur, même mort, reste dans l'espérance d'un Bénin et ses enfants libres. « Même dans ma tombe, je te préfère libre de tes mouvements qu'en prison », a-t-il confié avant de rendre son dernier soupire.
HOMMAGE ET ORAISON À : PAPA SYLVESTRE EWINSOU
DATE ET LIEU : 8 JUILLET 2023 À ZAFFÉ
« L’Esprit du Seigneur repose sur moi, l’Esprit de Dieu m’a consacré, l’Esprit de Dieu m’a envoyé proclamer la paix, la joie » (cf. Is 61,1 ; Lc 4, 18 )
Bien aimés du Seigneur, aujourd’hui réunis à Zaffé,
C’est cette paix que je vous veux, de la part du Seigneur….
C’est à cette joie que je vous convie tous, au nom de Jésus vivant à jamais.
La paix soit avec vous, la joie abonde en chacun de vous , vous les inconditionnels du Souverain Maître et Seigneur
Témoins de l’Amour du Père en faveur de la famille EWINSOU, et plus spécialement en faveur de moi qui, loin de vous, suis ardemment requinqué aux effets de votre proximité combien chaleureuse, fraternelle et affectueuse.
Vous, du Corps sacerdotal et religieux : avec à sa tête, Mgr François GNONHOSSOU, évêque du diocèse de Dassa-Zoumé, et en ses saints membres, les prêtres concélébrants, le cortège des religieux et religieuses, les catéchistes, les adhérents à tout mouvement d’action catholique…
Vous, du Corps politique et administratif : avec à sa tête la délégation de la préfecture des Collines, et en ses éminents membres, la haute représentation des Honorables députés à l’Assemblée nationale, les démembrements des mairies, les illustres autorités en leur grade et distinctions particulières, les élus locaux, particulièrement le CA de Zaffé…
Vous du Corps du service de l’ordre et des autres services sociaux…
Vous du Corps des augustes Gardiens de la tradition, avec tout privilège accordé aux Majestés, et à leur suite, les hauts dignitaires de nos cultures ancestrales, en leurs castes et strates respectifs,
Vous de la société, en vos marques et rangs spécifiques…
Je viens ici et maintenant magnifier votre Cœur qui a pu se départir de tout impératif hypothétique, pour vibrer et battre au rythme des devoirs on ne peut plus catégoriques où Amour et Vérité se conjuguent. De loin, mais proche de vous, je me prosterne pour clamer en votre honneur, le poème de mon cantique de gratitude. Une gratitude bien expressive et portée par ce fait de vie et de société, d’une éloquence irrécusable.
A Cotonou, vivait une maman ; la mère d’un prêtre. Ce prêtre avait deux amis avant de partir à l’extérieur pour les études. Un des amis ne revient voir et saluer la maman du prêtre que lorsque le prêtre rentre pour ses petites vacances. Mais l’autre, périodiquement prend de son temps et part passer deux jours avec la maman. Des deux, qui est le plus proche du prêtre et qui est son ami sincère ? Vous avez parfaitement la réponse, la très bonne. Et en chacun de vous, là, présents à Zaffé aux côtés de ma famille, à cause de nous les enfants, et aussi en mon absence, en chacun de vous, je lis l’image de l’ami sincère. Je remue tout mon corps pour vous acclamer.
Et je m’empresse de bénir le Seigneur qui a consolidé le mur de notre fraternité active et légendaire. Comment ne point louer ce Dieu qui nous permet de réaliser cette merveille ? Je ne peux dignement célébrer Dieu en ignorant vertement ses hommes de bonne volonté.
Aussi voudrais-je me tourner filialement vers vous, Mgr François GNONHOSSOU pour vous offrir le bouquet de mes mots de cordiale reconnaissance. Votre présence nous console et sèche nos larmes. « Là où est l’évêque, là est l’Eglise » a dit un grand saint. Recevez de ma famille tout l’honneur du à votre auguste et digne personne. Donnez aux prêtres concélébrants, aux religieuses et religieux, à toutes les âmes consacrées de boire largement à la coupe débordante de gratitude que je leur offre gracieusement, de cœur franc et sincère.
A votre endroit, autorités politiques, administratives et traditionnelles, je courbe avec forte révérence l’échine, pour vous décliner la litanie de ma satisfaction, de mon émerveillement, pour votre geste de proximité sans farce.
Permettez-moi de ne pas citer tous vos noms de peur d’en oublier certains. Ce qui est sûr c’est que vous êtes là.
Que dire à vous qui êtes venus de loin, de Cotonou, de Parakou, de Porto-Novo, de Ouidah, des recoins du Bénin, et vous venus de la RCI, du Togo, du Niger, des États-Unis, de la France, de toute la Sous région ! Les fon dénomment certaines cités « N’vê nan mindé ». L’amour que vous avez pour mes frères et soeurs et moi-même, vous a poussé sur la longue route. Oui, l’amour ne fait pas de calcul ; Dieu qui est Amour vous le revaudra sans calcul, sans mesure. Croyez-moi et vous verrez.
Et à vous communauté de Zaffé, tout ce que vous avez fait à mon père en mon absence, tout ce que vous avez fait pour honorer ses obsèques, vous aurez chacun la récompense au-delà de votre attente. Papa Sylvestre va se joindre à son épouse au ciel, maman Anne AGBRA, pour travailler à cela. Croyez et vous verrez. Tout compte fait, nous allons déposer papa juste à côté de maman dans quelques instants. Ils n’auront pas le choix que de travailler pour vous dans le royaume céleste.
C’est le lieu de dire merci au Dr Esperant AHISSOU qui a été le médecin traitant de Papa pendant ces dernières années. Papa était quelqu’un qui voulait totalement être autonome jusqu’à son dernier souffle. Il n’aimait pas qu’on l’aide dans sa fragilité. Il a offert une scène à la clinique à Cotonou qu’il me plaît de vous raconter. En effet on devait le ramener dans une clinique à Cotonou pour une deuxième fois. Papa s’est farouchement opposé. Nous avons réussi à le convaincre. Nous avons apprêté une chaise roulante dans la voiture pour lui éviter de marcher à la descente du véhicule. Mais jamais notre père n’a voulu s’asseoir dans cette chaise ; car il s’estimait encore capable de marcher. Malgré cela, nous traînons partout la chaise avec lui. Mais jamais il n’a voulu l’utiliser. Le jour de se rendre à la clinique est arrivé. Arrivé à la clinique, notre père s’apprêtait à descendre de lui-même ; mais il éprouvait des difficultés au point où le grand garçon Aide-soignant de la clinique a fait comme s’il voulait l’aider. Puis, d’un coup, souleva notre père pour l’amener à l’intérieur. Surpris, papa dit à ma petite sœur : « Eliane, le gars là est fort hein. » Et Eliane de rétorquer : « Donc tu crois que ici, les gens ont le temps ? On soulève tout le monde ici. »
Qu’il vous plaise de me laisser lever un tout petit peu le voile sur celui pour qui nous intercédons ce jour : Papa Sylvestre, notre père bien aimé. Il accompli la mission pour laquelle Dieu l’a créé. Il a été père de sept enfants. Il ne savait ni lire, ni écrire ; mais il avait un métier noble. Paysan qu’il était, il était fier du résultat de ses récoltes après chaque saison. Il avait ses hectares de champs d’igname, de maïs, du haricot, d’arachide, de mil, de vandzou…partout à Oké Owo, Tobroubrou, Ataké, ofè, etc. Il était parmi les cinq premiers dans la production agricole.
Notre Père a marqué sa génération ; il a fait l’aventure en résidant pendant longtemps au Ghana et en Côte d’Ivoire. Il a acheté tous les moyens de locomotion de son temps : petit vélo, grand vélo, mobylette, Yamaha… Il a construit sa propre maison en banco, puis une autre en bloc de béton. Nous n’avions jamais eu faim. Il nous habillait et quand on tombait malade, il avait toujours les moyens de nous envoyer à l’hôpital. Il était un vrai père responsable.
Notre papa était un engagé au sein de l’Eglise. Il nous a éduqués dans la foi. Dans la famille chacun de nous savait diriger la prière matinale et celle du soir en idaatcha.. Il nous a aussi montré comment contribuer à l’édification de l’église. De santé très solide, il tombe rarement malade et n’est guère habitué aux produits pharmaceutiques. Ces trois dernières années, il n’a pas été facile pour nous de l’y soumettre. A ce sujet, il nous dit souvent : « J’ai l’âge de mourir. » Mais lorsqu’on le force à en prendre, dès qu’il se retrouve mieux, il est le premier à dire : « Ah ! C’est grâce à vous hein ! si non, j’ai failli mourir.»
Et maintenant, laissez moi dire un mot à celui-là qui m’a engendré et qui part vers le Père, sans qu’on ne soit revu. Papa Sylvestre, grand héraut du sacrifice et d’oblation, toi et moi, vivons dans l’espérance de nous revoir ici sur terre avant ta mort. Tu n’as cessé de nourrir et d’entretenir le feu de cet espoir. Mais se consolidait comme une forteresse d’exclusion qui a mis à grand prix ma tête, me soumettant à l’exil. En dépit de tout, tu m’encourageais à lutter pour un Bénin juste et paisible, afin que mes frères et sœurs béninois s’arrachent au joug de l’oppresseur. Tu étais ma force ; et ma condamnation à vivre en exil, loin de toi, n’a guère rongé ton moral. Pour mémoire, j’ai discuté plusieurs fois de mon éventuelle absence à tes obsèques et tu m’as rassuré depuis deux ans en me disant : « Depuis ma tombe, je te préfère libre de tes mouvements que de te voir en prison. Reste là où tu es, ce temps aussi passera. »
Mon très aimé Papa, voilà que tu pars, et nous sommes au statu quo. Ton sacrifice semble ne produire que du vent, du fait que tu pars et la situation croît dans le pire… Mais il est une vérité inflexible : rien n’est perdu si tout s’origine en Dieu. Papa, tu vas en Dieu et pour Dieu. Je suis convaincu que tu changes de situation géographique pour nous pousser à la victoire. Je suis rassuré que tu décides de partir en Dieu pour être plus efficace à nos côtés. Je suis plus que confiant que tu as changé d’armes pour que prenne corps ton rêve. Et tu n’es plus dans ce rêve ; tu es dans la toute-puissance du Juste, du Vrai, du Bien. Fais nous voir ta force, du haut des cieux, fais nous communier à l’omniscience du Très Haut, et nous saurons que tu es, que tu demeures au milieu de nous.
Oui Papa, ne pars pas, ne meurs pas, vis en Dieu pour nous soutenir de là-bas. Là est ma forte espérance. Je sais que tu n’es pas mort. Vis, vis à nos côtés. Vis en nous, par Dieu le Père ; opère en nous par Dieu le Fils ; revivifie tout en nous par Dieu l’Esprit Saint et je chanterai toujours et partout ta glorieuse mémoire. Seigneur mon Dieu j’implore ta grâce sur mon Père. Accueille-le dans ton paradis. Amen !
Dieu nous bénisse, nous protège et nous garde
Je vous remercie !
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